Vous dites aussi que le monde est absurde. Pourtant,
la solide culture scientifique qui imprègne vos écrits semble démontrer
le contraire. N'y a-t-il pas là comme un paradoxe ?
Je ne crois pas. L'une des raisons qui me fait apprécier
la science-fiction, c'est qu'elle se base sur une vision scientiste des
choses (vision plus ou moins exacte, ce n'est pas le problème). J'ai le
sentiment que ce qui caractérise notre espèce, c'est le besoin d'histoires,
qui exprime à mon avis le besoin de donner un sens, une cohérence au monde.
Les animaux l'acceptent tel qu'il est et tâchent d'y survivre ; chez les
humains, même si on peut considérer que le but final est aussi de survivre,
la stratégie est de comprendre les choses en amont de manière à prévoir
comment elles peuvent évoluer. Cela nécessite d'avoir une vision cohérente
du monde et de son devenir : des histoires. La science est, je trouve,
la manière la plus efficace de dire l'histoire du monde. On peut dire
qu'elle a fait ses preuves, puisque c'est grâce à la méthode scientifique
que nous avons acquis une telle hégémonie sur notre environnement. Or,
par un retour étonnant des choses, ce que nous apprend la science désormais,
c'est que le monde est aléatoire et imprévisible, qu'il mêle étroitement
logique et absurde ! Je trouve frappante l'ironie de la vision du monde
développée par la mécanique quantique. Chez moi, le désir de raconter
des histoires et l'intérêt pour la science sont donc tout à fait complémentaires.
Je suis abonnée au magazine Pour la Science depuis une dizaine d'années
(dans le temps même où j'ai commencé à écrire, me semble-t-il) et, depuis
que mon métier me permet de rester à la maison, je regarde régulièrement
des documentaires à la télé. Il n'est pas si rare que j'y puise des idées…
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