Et en dehors de la S.F, y a-t-il d'autres composantes
de la littérature de l'Imaginaire qui vous attirent?
J'aime bien l'horreur aussi, par tempérament j'apprécie
le gore et l'angoisse. Je traduis pas mal de fantasy ; j'apprécie les
univers qu'elle dévoile, mais qui sont un peu répétitifs à mon goût :
le genre est très codé, ce qui a du reste permis à plusieurs parodies
de fleurir. Je pense bien sûr à Terry Pratchett, qui se joue formidablement
de ces codes ! La science-fiction, je ne m'en lasse pas : elle offre selon
moi une richesse sémiotique bien à elle. En effet, d'une part elle raconte
une histoire insolite, fait vivre des personnages dans des univers plus
ou moins hors de notre expérience et nous dépayse, d'autre part, de manière
souterraine, elle parle du monde où nous vivons puisque souvent elle fait
ressortir jusqu'à la caricature un aspect particulier de ce monde et va
au bout de sa logique. Il y a donc plusieurs niveaux de lecture, mais
(dans la SF que j'aime) pas de manière didactique, sentencieuse : on a
à la fois le plaisir universel de découvrir une histoire et celui, en
y repensant, de la réflexion et de la découverte intellectuelle. Quand
j'écris une nouvelle, c'est ce qui me plaît : raconter une histoire et
découvrir après l'avoir écrite que, finalement, j'ai parlé aussi d'autre
chose. J'aime bien voir que je me suis flouée moi-même !
En effet, à vous lire on perçoit dans votre ton ce plaisir
que vous avez à écrire, car il y a souvent beaucoup d'humour dans vos
histoires…
En fait, l'écriture en soi ne m'apporte pas un plaisir immédiat.
De ce point de vue, je trouve la traduction nettement plus jouissive.
Quand il s'agit d'une idée simple, qui donne lieu à une histoire brève,
oui, c'est agréable d'écrire parce que c'est plutôt facile. Mais quand
je veux transcrire une idée qui me semble plus prometteuse, plus riche,
qui fait appel à des notions un peu compliquées à exprimer, là j'ai peur.
C'est franchement plus ardu, et, si j'aime bien mes idées, je crains souvent
de les gâcher au moment de leur donner corps. Je m'inquiète aussi, au
moment de l'écriture, de ne pas bâtir quelque chose de cohérent, et aussi
de ne pas trouver le bon rythme, de précipiter les choses à la fin par
exemple. Le plaisir, je le trouve surtout après, donc, quand je reviens
sur l'histoire. À l'occasion de la mise en forme de ce recueil, j'ai été
contente de me dire que ces textes, finalement, avaient l'air de tenir
la route… Quant à l'humour, ce n'est pas quelque chose que je recherche
forcément au moment de l'écriture. Je me dis peu que je vais écrire telle
ou telle chose parce qu'elle est drôle : je suis de mon mieux l'histoire
que je me suis racontée, et si elle est au final marrante c'est sans doute
qu'elle reflète le sentiment que j'ai de l'absurdité du monde. Par exemple,
l'onomastique de Harmonie des choses n'a pas été délibérément choisie
pour son dérisoire ; ces noms débiles étaient dans la logique, je n'en
voyais pas d'autres.
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