Plusieurs vies ? Sans doute. Je crois qu'aujourd'hui nous sommes tous amenés à vivre des existences parallèles, ne serait-ce que par l'importance qu'ont pris les loisirs par rapport à la vie professionnelle et plus encore peut-être les mondes virtuels au regard de notre monde " réel ". On le sait depuis Euclide toutefois, les parallèles sont censées ne jamais se rencontrer - même si elles le font parfois, notamment dans la littérature fantastique. Or ce qui m'anime est un peu différent, car il ne s'agit pas de vies parallèles. Les parois entre les univers que je suis amené à visiter ne sont jamais totalement étanches. Si bon nombre de mes textes établissent des ponts entre musique et littérature, c'est bien parce que je vis la création littéraire et la création musicale simultanément. Je n'écris jamais en écoutant de la musique - j'en suis totalement incapable ; la musique dès qu'elle se manifeste monopolise toute mon attention -, mais je me repose d'une forme de création sur l'autre. Quand je bute sur une phrase, sur un mot, je passe aux sons et aux rythmes ou inversement. Ce qui est merveilleux aujourd'hui, c'est que le même instrument, l'ordinateur, permet de passer de l'un à l'autre, alors qu'autrefois il fallait abandonner le clavier de la machine à écrire (eh oui ! cette chose étrange a existé) pour rejoindre son piano. Cette aptitude à zapper me permet de multiplier, je crois, les liens entre les deux arts, et plus largement entre mes différentes activités. Je prépare actuellement " quelque chose " pour un ami, universitaire comme moi, qui va prendre sa retraite. C'est la tradition d'offrir à celui qui ainsi quitte la vie active un volume d'hommages. Généralement, chacun écrit un article scientifique touchant aux domaines de recherche de la personnalité ainsi célébrée. La surprise que je lui prépare, quant à moi, est un morceau pour piano qu'il aura, je l'espère, plaisir à jouer.

Cette sorte de… mécanique ondulatoire n'a pas que des avantages. Lorsque le doute survient dans un domaine, j'abandonne (trop rapidement, sans doute) la partie et me replie dans un autre de mes univers. C'est ainsi que j'ai renoncé très jeune à la fiction pour me consacrer à la musique, puis au soir d'un échec, lors de la création publique d'une de mes compositions électro-acoustique, je suis passé à la recherche littéraire. Je ne me suis pas obstiné autant que j'aurais dû pour imposer mon univers tant musical que littéraire. J'ai tracé mon chemin patiemment, difficilement, car le rythme de mon zapping était alors très lent. J'apprécie qu'il soit plus rapide aujourd'hui. En une semaine, je suis tout cela : globe-trotter, écrivain, universitaire, compositeur…

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LES TAMBOURS DU VENT