LA PHYSIQUE DES PARTICULES
Dix mois ! Déjà dix mois qu'elle est là ! s'était-il dit,
ravi. Pour la circonstance, il lui avait fabriqué un tube en résine transparente
et légère comme un voile dans lequel il avait glissé des fragments de
verres colorés. La petite, fascinée par les jeux de lumière, était restée
des heures entières les yeux collés au kaléidoscope. Il en avait profité
pour passer plus d'une heure au téléphone avec un collègue de laboratoire.
Une heure de conversation passionnée entre chercheurs spécialistes des
interactions entre noyaux et cosmos. Il avait raccroché, la tête bouillonnante
des théories novatrices qu'ils avaient échangées. Son enthousiasme avait
été balayé par la voix aigrelette de Candy-James qui chantonnait en tripotant
ses pieds : la physique des particules et la cosmologie ont permis
une progression remarquable dans la connaissance des interactions fondamentales
de la nature et des premiers instants de l'univers. Il avait reculé
d'un pas.
- Ma fille est-elle un monstre ?
- Je ne suis pas un monstre. J'ai dix mois et je suis une
magnifique petite fille.
Quand elle eut quatre ans, ils se décidèrent à l'inscrire
au jardin d'enfants. Ils étaient incapables de retenir une baby-sitter
plus de huit jours. Même la plus conciliante. La petite faisait peur.
- Il faut la sociabiliser, décréta le père.
- Je voudrais reprendre un travail, opina la mère.
Candy-James s'était allongée. Sa tête paraissait moins disproportionnée.
Ses cheveux tressés en nattes épaisses lui faisaient une couronne. Elle
aurait gagné en innocence si des mèches frondeuses ne s'agitaient pas
au-dessus de son crâne comme des chauves-souris apeurées. Elle accueillit
la décision de ses parents avec une exultation communicative.
- Ça promet d'être une expérience intéressante.
- Une expérience intéressante ! soupira Hélix. Essaie de
laisser tes grands mots au porte-manteau quand tu arriveras là-bas.
À la fin de la première semaine, la directrice convoqua
le couple.
- Il m'est impossible de garder Candy-James. Notez que je
le regrette. Mais sa présence est néfaste au bon fonctionnement de l'établissement.
|