Je suis mal à l'aise avec les labels. Disons que si la science fiction est la présentation d'un monde différent du notre, expliqué par des artifices scientifiques, et si la fantasy dépeint un univers surnaturel, je ne marche pas. Je trouve la vie réelle suffisamment dangereuse et extravagante sans en rajouter. Quant aux monstres, ils sommeillent en chacun de nous, alors pas besoin d'en concevoir de nouveaux pour flirter avec le chaos. J'ai besoin de personnages et de situations ordinaires pour accéder à la magie, et je suis donc très sensible au fantastique, cette intrusion d'une autre dimension dans la notre. Dans ce registre, j'ai une passion pour des romans de Stephen King tels que " Marche ou crève ", " La ligne verte ", " Le fléau ", " Bazaar " ou " La part des ténèbres " : dans ces récits, l'horreur n'a pas besoin de créatures maléfiques pour s'incarner car les ténèbres sont une menace de l'intérieur, et l'épouvante est poignante car terriblement humaine.

Mon sentiment est que notre vie de tous les jours porte en elle une dimension surnaturelle qu'il ne reste qu'à mettre à jour : les frontières sont plus floues que notre logique cartésienne ne veut l'admettre. Ainsi, je me rappelle du trouble dans lequel m'a jetée " La moustache " d'Emmanuel Carrère. Le fantastique est par ailleurs un genre privilégié pour nous parler de notre mort et la remettre dans notre vie : j'ai par exemple beaucoup aimé " La nostalgie de l'ange " d'Alice Sebold (Lovely Bones au cinéma) et je lis actuellement " Passage ", de Connie Willis. Je trouve que c'est une belle mission pour un romancier que de nous proposer des représentations de l'au-delà " vraisemblables " et consolantes.

Redoutant les excès et les dogmes d'un monde qui broie l'individu, j'ai naturellement dévoré les maîtres classiques de la dystopie (ces auteurs qui dénoncent les défauts des sociétés que l'homme fabrique), tels René Barjavel, Georges Orwell, Aldous Huxley, Ray Bradbury ou Ira Levin : leurs mises en garde me paraissent saines et indispensables. Et depuis que j'ai lu " La part de l'autre ", où Schmitt imagine ce qu'il serait advenu si Hitler n'avait pas été recalé à l'Ecole des Beaux Arts de Vienne, je suis séduite par les uchronies, qui se permettent de modifier l'issue d'une situation historique existante pour changer le cours de l'histoire - quelle liberté !

En résumé, je suis d'accord avec Georges-Olivier Châteaureynaud, notre spécialiste français du genre, lorsqu'il affirme que le fantastique est plus apte que d'autres courants réalistes à saisir la substance de l'être. Le Merveilleux, pour moi, c'est lorsqu'un auteur traite les grandes thématiques chères à la littérature réaliste (altérité, conflit, mort, amour, espoir, …) en s'adressant à mon cœur et à mon âme plutôt qu'à ma raison.

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