SCOTTY

Tobie ne finit pas sa phrase. Complètement interloqué, il regardait la forêt silencieuse se déplacer en rangs serrés vers eux. Cette minute d’étonnement faillit leur être fatale ! Ils se retrouvèrent bientôt encerclés par une armée compacte de fantômes faméliques en marche, d’un bleu indéfinissable comme un crépuscule sombre, qui agitaient des bras d’hommes décharnés en direction de Dolly. Un instant figés, les spectres se jetèrent ensuite sur la brebis en hurlant : ils étaient affamés ! Dolly ne dut son salut qu’à son extrême vélocité. Elle zigzagua entre leurs jambes, aussi épaisses que le coudrier de marche de Flora, et les déquilla d’un simple coup d’œil. Croyant la saisir, les hommes se saisissaient les uns les autres et se battaient.

Tobie, stupéfait, tardait à réagir. Angie sauta en selle, Scotty était prêt et furieux : il se mit à ruer et repoussa très loin les assaillants qui continuèrent à s’entretuer. Angie siffla son chien. Les oreilles couchées, tiré brutalement de son hébétude, il se rua dans les bras de la fillette en attrapant Dolly au vol par la peau du cou. Un effort mental épuisant lui permit de créer une barrière protectrice autour d’eux. Le poney commença à tourner sur lui-même. La terre était dure, gelée. Il peina. Il s’acharna. De précieuses minutes passèrent. Les hommes s’étaient redressés. D’un seul élan, leur assaut reprit. Scotty sentit leurs doigts sur sa crinière. À ce moment précis, la terre s’ouvrit et les avala. Il était temps ! Une main s’était emparée de la patte arrière gauche du chien, celle-ci cassa d’un coup sec dès que le groupe disparut dans le long tunnel qui se creusait à la vitesse de l’éclair au fur et à mesure qu’ils étaient engloutis. Mottes, racines, cailloux, insectes, vers et petits animaux hibernants ou terrés, virevoltaient autour d’eux. Angie avait enfoui son visage dans la fourrure du chien, qu’elle serrait très fort contre elle. La brebis, cachée à la volée entre sa veste fourrée et sa poitrine, s’étouffait. La fillette sentait le cœur de Dolly prêt à exploser.

 Scotty, ralentis ! Ils ne peuvent pas nous suivre !

 Oui, grogna le poney, c’est trop profond : on va se retrouver chez les Vikings ! 

Le shetland tourna moins vite sur lui-même. Il écarta ses sabots, qu’il avait rassemblés au départ pour mieux vriller le sol : ainsi, il freina et modifia son trajet.

 On remonte !  annonça-t-il.

Il reprit de la vitesse pour écarter les racines qui s’enchevêtraient maintenant dans le tunnel et rendaient leur progression laborieuse, puis le terrain devint meuble, et ils émergèrent sur un chemin qui longeait un loch.

 

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GABRIELLE DUBASQUI

pour son roman

AN MIL, ANNÉE DU DRAGON

 

4couv
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