Je débarquai dans le petit port de l’unique ville de cette île volcanique. Il était implanté dans la seule baie existante. Ailleurs, la côte était inaccessible, taillée dans le roc, toute en falaises, crêtes et pics acérés. En bateau, l’île se trouvait à une bonne dizaine d’heures du continent. C’était le seul moyen de transport possible, car le relief trop escarpé interdisait l’aménagement d’un terrain d’atterrissage. Vu du large, le volcan imposait sa silhouette magistrale, si haute que des neiges éternelles couronnaient son cratère légèrement incliné.

            À l’arrivée, on était immédiatement frappé par la couleur sombre des façades des maisons à trois étages qui circonscrivaient le demi-cercle du port. Elles formaient une sorte de petit rempart percé de fenêtres colorées. Une maison arborait des volets de couleur bleue, une autre préférait le rouge flamboyant, une autre encore exhibait un jaune citron. Les façades, ainsi fardées, mettaient la joie au cœur des visiteurs. Les bateaux de pêche, à quai, ballottaient leurs multiples couleurs, comme un massif de fleurs au printemps, au gré des vagues et des marées. Des dizaines de mouettes et goélands attendaient à quelques pas des pêcheurs affairés, qu’on daigne leur jeter quelques poissons abîmés par les filets.

            Sur le continent, on connaissait l’île d’Ébène pour son attrait touristique, ses paysages à couper le souffle, ses habitations construites en roche volcanique noire, et le soin qu’apportaient ses habitants à faire de leur ville, si grise, un havre fleuri et coloré. On disait même qu’au printemps et en été, les rues embaumaient de délicieux parfums qu’on pouvait savourer lors de flâneries pleines de poésie.

            L’île tirait ses ressources essentiellement du tourisme, de la pêche et d’un gisement d’obsidienne. Cette pierre, sorte de verre volcanique noir et brillant, était utilisée par de nombreux artisans pour la fabrication d’objets de décoration et de bijoux. La vente aux touristes de ces produits de l’artisanat local procurait des revenus substantiels. On entretenait un certain mystère autour de cette roche pour augmenter son attrait. On lui accordait des vertus médicinales, on la disait capable de prodiges surnaturels.

            Depuis deux mois, la presse continentale relatait les disparitions, sur l’île, de trois enfants, le jour anniversaire de leurs dix ans. Le matin, lorsque les parents se levaient pour leur souhaiter un bon anniversaire, ils trouvaient le lit défait et vide, les enfants s’étaient volatilisés sans laisser de traces. Les recherches menées pour les retrouver, vivants ou morts, restaient infructueuses. Fugues, enlèvements, la police ne disposait d’aucun indice pouvant expliquer ces disparitions le jour même de leur anniversaire. La fenêtre de leur chambre, restée ouverte, sans effraction, indiquait simplement que, pendant la nuit, ces enfants avaient quitté leur domicile de leur plein gré, dans un silence de voleur.

 

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BERTRAND BÉNY

pour son roman

LES CHEMINS d'OBSIDIENNE

 

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