Revue BIFROST n°70 avril 2013 - critique de Pierre STOLZE (reproduite avec l'autorisation de l'auteur)

La première édition du Prix Lacour de l'Imaginaire a été attribuée au roman d'Yvette Auméran, Le Chant du Strigoï, qui vient de paraître. Ce prix a été créé par les Editions Lacour de Nîmes et récompense " une œuvre inédite relevant de l'imaginaire, fantastique, science-fiction ou fantasy ". Président du jury : l'écrivain Raymond Iss.

Le Chant du Strigoï a été distingué parmi une trentaine de manuscrits. Il s'agit, bien sûr, d'une histoire de vampires. Encore ! penseront certains. Mais le traitement du thème est pour le moins original. Dans une ville imaginaire jamais nommée (mais qui ressemble fichtrement à New York et parfois à Paris), Sean Galwein, flic intègre et taciturne, mais au comportement plutôt musclé, devient, la nuit, le lieutenant d'un Seigneur vampire, vieux de plusieurs siècles. Position inconfortable pour le policier qui finira défenestré et mourant sur le pavé. Il ressuscite, car lui aussi est devenu vampire, mais ne se nourrissant d'abord que d'eau de mer à la composition si proche du sang humain. Il cherchera à se venger de son ancien Maître et de ses sbires tout en devenant un justicier de la nuit, traquant assassins, violeurs et mafieux.

Raconter ainsi, cela peut paraître un rien débile. Or, je me suis régalé à la lecture de ce premier roman. Il se situe à la confluence d'une multitude de sources d'inspiration : la Bible, la civilisation japonaise, la matière de Bretagne, le fantastique du XIX° … Les allusions littéraires ou picturales abondent : Shakespeare, Lovecraft, Edgar Poe, Nerval, Vigny … Dürer, Schongauer, Piranèse, Rembrandt … Et quelle écriture ! Plus que travaillée, carrément ciselée. On croirait retrouver le style des grands prosateurs de la fin du XIX°, Huysmans ou Villiers de l'Isle-Adam ! Phrases longues, métaphores et comparaisons en rafales, termes rares ou obsolètes (j'en ignorais même certains que je n'ai retrouvés dans aucun dictionnaire !). L'ensemble des dialogues ne doit pas excéder 15 pages sur 280 de texte effectif. L'inverse de ce qui s'écrit actuellement. Certes, c'est parfois ampoulé, grandiloquent et emphatique, carrément hugolien, mais le plus souvent, cela est très réussi. Pour décrire une petite fille : " C'était propre comme une savonnette à la lavande, lisse et rose comme une dragée de première communion, délicat comme un nid caché dans la mousse " (p. 237) Qu'est que l'entropie ? " elle est la rouille de l'épée, le pourrissement de l'arbre, l'effritement du manuscrit enluminé, l'oubli des exploits des anciens preux, l'amour qui sombre dans l'indifférence, la décadence des civilisations, l'acide qui ronge indifféremment les statues païennes et la façade des cathédrales ".

Le tout est à l'avenant ! Bon, cela manque d'action, cela reste très statique, les analyses psychologiques tirent parfois à la ligne, et certains pourraient s'exaspérer de ce travail trop littéraire, mais, je le répète, moi, je me suis délecté. Yvette Auméran a un sacré avenir littéraire devant elle. Un mettant un peu d'eau dans son vin, en réussissant à mieux concilier texte purement littéraire et texte d'action, de suspense.

À paraître dans la même collection que Le Chant du Strigoï, un recueil de nouvelles signé Sonia Quemener, Paysages d'Après. Pour passer commande : préférer un professionnel du livre ou, par Internet, soit www.editions-lacour.com, soit www.editions-lacour.fr

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LE CHANT DU STRIGOÏ

 

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